Nouméa, le 28/11/2006

Chers tous

Vous désespériez sans doute de revoir jamais un nouveau journal sur le site de Constance. Et je dois vous avouer que moi aussi, car depuis notre arrivée en Nouvelle-Calédonie, je ne voyais plus vraiment l’intérêt de continuer à vous donner de nos nouvelles. En fait, je m’aperçois que j’ai une multitude de choses à vous raconter ! Et j’ai décidé de commencer par le collège, car c’est assurément ce qui m’a le plus occupée cette année : Notre choix fut le collège Baudoux, qui a l’avantage de se situer à une rue au-dessus de notre marina.

Le premier problème qui s’est posé à nous après la décision de m’inscrire à ce collège, c’était la date de la rentrée. Effectivement, le calendrier scolaire n’est pas le même en Nouvelle-Calédonie qu’en France. Ici, le jour de la rentrée est en février, c’est-à-dire en plein milieu de l’année scolaire française. Deux possibilités s’offraient donc à moi (et à Augustin aussi puisqu’il rentrait au lycée La Pérouse), :soit remballer nos cours de CNED et attendre la rentrée pour « redoubler », soit au contraire tâcher de finir l’année en cours sachant que nous avions à peine un mois et demi devant nous. Augustin étant en Terminale, il fut décidé qu’il referait son année pour pouvoir passer son BAC en toute tranquillité. Il n’en fut pas de même pour moi, et pendant que Môssieur se tournait les pouces en attendant le jour J, je bossais à mort pour ne pas être trop décalée lors de mon entrée en quatrième.
En attendant, je fis la connaissance avec des enfants vivant sur différents bateaux, Nuance et Nagual. Nagual était arrivé environ six mois auparavant, et les enfants avaient été scolarisés deux jours après leur arrivée. Si la petite sœur Ella parvint assez bien à s’acclimater en CM 2, le grand frère, Maya ne tint qu’une demie-année au collège Baudoux. Un nouveau bateau fit aussi son apparition : il s’agissait du catamaran La Mauny, avec à son bord un garçon de mon âge, nommé Amaury, qui devait lui aussi passer en quatrième. Un heureux hasard voulut que nous nous retrouvions dans la même classe : la 4e6. J’étais ainsi parée pour le grand voyage.
Le jour J vint, et nous nous mîmes bravement sur la route, Amaury, Ella qui passait en 6e et moi. Quant à Maya, il parvint à obtenir la permission de passer sa 4e au CNED.
Que dire de mes premiers jours au collège ? Cela se passait plutôt bien, on ne se sentait pas vraiment décalés, étant donné que tout le monde était plus ou moins perdus avec des emplois du temps qui changeaient du jour au lendemain, une mauvaise organisation des cours, des difficultés pour se retrouver dans le collège... Le plus pénible est assurément le bruit. Ce doit être pareil partout ailleurs dans les cours de récréation, mais il n’empêche que quand je découvris le CDI avec son calme et sa tranquillité, ce fut vraiment une découverte positive (d’autant plus que j’adore lire !).
Ce ne fut également pas qu’une découverte dans le domaine scolaire, mais également dans le vestimentaire. D’habitude je me promenais en vieux short et T-shirt délavé. Mais Maman était là, vigilante, et il n’était pas question de me présenter au collège dans de telles guenilles ! En un clin d’œil, elle m’entraîna dans les rayons de mode du Casino Géant de Nouméa, et je découvris les vêtements en vogue d’aujourd’hui, débordants de fantaisie, de couleurs et de formes variées qui ne sont pas toutes pour me plaire ! Je tâche donc de rester le plus sobre possible, ce qui n’est pas toujours facile (avez-vous déjà essayé de trouver un Jean qui ne soit ni tâché, ni troué, ni blanchi, ou encore une bête ceinture de cuir Standard dans une ville comme Nouméa ?) !
La Nouvelle-Calédonie peut s’honorer du fait d’être une petite île dans laquelle se côtoient de nombreuses cultures différentes, les 4 principales catégories étant les Caldoches, descendants des colons, les Kanaks, dont l’ensemble porte le nom de Kanaky, les commerçants chinois, descendants des émigrés asiatiques et qui tiennent pratiquement tous des petites boutiques très exotiques, et enfin les Métropolitains, familièrement nommés les Zoreilles (ne me demandez pas pourquoi, je n’en ai aucune idée !). C’est tout ce petit monde qu’on rencontre également au collège Baudoux, avec pour chaque catégorie un style différent. Ainsi, les Métro portent plutôt des choses « françaises », débardeur moulant, découvrant largement le nombril (ce qui a un peu tendance à faire un bourrelet de graisse autour de la taille pour les filles grassouillettes), pantalons et jupes taille basse, sans oublier le lecteur MP3 dont les écouteurs sont toujours logés dans des oreilles avides de hard rock et autres charmantes musiques. Les Kanaks, eux, sont plutôt accros Bob Marley, avec des T-shirts, des écharpes et des manteaux rayés des couleurs caractéristiques du reggae, et de la « Kanaky libre ! », ou encore avec un grosse touffe de cannabis dessinée dessus. Il y a aussi les robes mission, qui à l’origine servaient à masquer la nudité des jeunes filles indigènes par leur amplitude lors de l’arrivée des missionnaires, et qui de nos jours est devenue très à la mode.
On voit les marques « Quiksilver » ou « Billabong » sur tous les sacs, quoiqu’elles soient parfois à peine visibles sous la couche de tags tracés au blanc ou au feutre indélébile. Enfin, vient le vocabulaire, si varié qu’il mériterait bien de figurer dans un dictionnaire 100% Nouvelle-Calédonie. En voici quelques exemples :
« Il est ban ou quoi ? » « Ça roule ? »
« Awa, longin ! »          « Ah bon ?Ça alors ! »
« Koa ça ? »    « Qu’est-ce que c’est ? »
Le vocabulaire reste très étendu mais il devient parfois un peu limite. Bien sûr, les Caldoches et les Kanaks ont leur accent, ce qui fait beaucoup plus vrai.
Si Amaury parvint à bien s’adapter dans ce nouveau monde assez turbulent, je ne faisais de mon côté qu’attendre la fin de la semaine. A ce moment là, nous essayions le plus souvent possible de larguer les amarres ne saurait-ce que pour un week-end.
Et du côté des professeurs me direz-vous ?
Eh bien, cela ne m’a pas vraiment fait bizarre, de devoir de nouveau dire « Oui Monsieur, Oui Madame ». Je les appréciai tous, plus ou moins, mais en revanche, mon approche avec les élèves ne fut pas très réussie. Je parvins à tisser quelques liens avec Maké, une fille très sportive qui était dans une autre classe mais qui faisait l’E.P.S avec nous, et aussi avec Laure , l’amie proche de notre déléguée Clara. Mais nos contacts n’allèrent pas plus loin que quelques paroles échangées.
Ce qui est triste aussi, c’est de voir comme ces élèves sont blasés de leur culture, et aussi du voyage, de la découverte. J’ai dû faire un jour un exposé en anglais et j’en ai profité pour raconter notre périple jusqu’ici. Pas un élève ne m’a posé une question qui soit suscitée par de la curiosité, mais simplement par le désir de gagner des points de participation. Il est également possible qu’ils n’aient rien compris de ce que baragouinage…
Une autre fois, je revenais de deux semaines de vacances durant laquelle nous avions fait une virée à l’Île des Pins, ou encore dans le lagon en compagnie d’amis, et demandant à d’autres élèves ce qu’ils avaient fait pendant ce temps… :
« Ben…rien. »
Ils sont là, à traîner leurs énormes baskets et leurs casquettes taguées, les écouteurs logés dans les oreilles, jurant et crachant à qui mieux mieux. Et pour eux, leur horizon ne va pas plus loin que les murs du collège ou de leur maison. Augustin a eu de la chance, il est tombé sur la meilleure classe du lycée. Moi aussi, j’ai hâte d’entrer en Seconde, car je vois mal ce qui pourrait être pire que l’ambiance du collège. Maintenant, je suis en vacances, et j’ai remis mes vieilles frusques, mais je me sens à nouveau dans ma vraie peau !
A bientôt !
Solène