Juan Fernandez, le 15/01/2005

Nous avons quitté Puerto Montt le 15 décembre, après plus de 6 mois passé à la marina Oxxean en escale technique. Nous sommes partis vers 10 heures, et à 17 heures nous mouillions dans notre dernière « caleta » de Patagonie. Les jours suivants nous ont vus plus ou moins bloqués par le mauvais temps, nous déplaçant par sauts de puce, mais le 19 nous avons enfin déployé nos ailes pour rentrer dans le grand Pacifique. Enfin, « déployer » n’est pas vraiment le terme approprié, étant donné que les vents de secteur sud qui soufflent invariablement dans cette zone avaient pour l’occasion cédé la place à des vents de nord. C’est donc au près serré, c’est-à-dire presque vent dans le nez, que nous avons entamé notre traversée vers l’île de Robinson Crusoé, où nous pensions bien fêter Noël. Petit à petit, le rythme de la navigation s’est mis en place. Les estomacs ont fini par s’habituer au balancement de la houle, et nous avons même eu des journées calmes et ensoleillées. La journée du 22 a été moins clémente. Alors que nous étions à 60 milles (110 kilomètres) de l’île, nos cartes météo reçues via la radio prévoyaient le passage d’un front, engendrant des vents forts et en plein dans le nez. Nous avons donc préparé le bateau pour se mettre « à la cape », c’est-à-dire de telle façon à ne pas résister au vent tout en dérivant le moins possible. Mais sur la carte suivante, le front s’était évaporé ! Nous avons donc remis en route, au près serré et avec un vent bien établi. Le lendemain, en me réveillant, j’ai été étonné par les mouvements du bateau, ne correspondant pas à ceux du près. L’embout de notre étai avant s’est cassé en tête de mât pendant la nuit, menaçant de faire tomber le mât en arrière. Le premier réflexe consistait donc à se mettre au portant, avec le vent venant de derrière, pour que les voiles poussent le mât vers l’avant et soulagent ainsi les haubans qui empêchaient encore le mât de tomber en arrière. Le port le plus proche où nous pourrions réparer facilement était Valparaiso, sur la côte chilienne, à 350 milles (630 kilomètres). Nous avons donc mis le cap sur la marina de Algarrobo, et avons ainsi passé le 24 en mer. Nous avons unanimement reporté le réveillon à une date ultérieure, la mer étant des moins confortables. Nous sommes arrivés le jour de Noël à Algarrobo, « la marina la mieux équipée et la plus chic du Chili ». Effectivement, les services très performants nous ont permis de démâter (enlever la mât), changer la pièce et remâter en trois jours, grand record ! Nous avons alors pu assister au feu d’artifice tiré dans la baie de Valparaiso pour le Nouvel An depuis le pont du bateau, avant de nous diriger à 3 heures du matin vers la marina de Higuerillas, moins chic mais moins chère et plus près de la ville pour faire nos courses avant le départ, et bien sûr pour visiter au moins un peu Valparaiso. Nous avons aussi, comme à Algarrobo, été invité par quelques membres du club de la marina, riches « santiagueños » qui viennent se reposer dans leur somptueuses résidences secondaires, avec leur voilier à quelques centaines de mètres pour faire des sorties « à la journée ». Nous sommes finalement repartis le 11 pour notre objectif original. Nous avons retrouvé les 300 milles de mer chahuteuse qui séparent l’archipel de Juan Fernández du continent. Mais enfin, le 14 à l’aube, l’île de Robinson Crusoé sortait de l’obscurité. Nous mouillions avec les premiers rayons du soleil dans la baie de Cumberland, devant le village de San Juan Bautista.

 
 


Navigation tranquille vers Juan Fernandez


Quelques heures avant que l'étai ne casse


Le mat est soulevé


Dans les rues de Valparaiso


Feu d'artifice du nouvel an dans la baie


Enfin, Juan Fernandez sort de l'aube